La France placée sous surveillance par RSF
L'organisation internationale de défense des droits de la presse, Reporters Sans Frontières a placée en mars et pour la première fois la France dans la liste des pays sous surveillance. Retour sur la cyber-censure en france.
Mise en place de la riposte graduée, législation prévoyant un filtrage administratif du Web, défense d'un Internet "civilisé", l'impact de récentes législations et déclarations sur la liberté de circulation de l'information en ligne suscitent de vraies inquiétudes.
RSF ne passe pas par quatre chemins : la France plonge rapidement dans un climat propice à la censure. Longtemps considéré comme le pays des droits de l'homme et une démocratie exemplaire, beaucoup ont du mal à admettre que nos droits sont fragiles et peuvent rapidement être mis de côté. Les temps changent, et l'année passée a clairement marqué un tournant pour nos libertés.
Les journalistes n'ont qu'à bien se tenir !
Rue89, Mediapart, Bakchich... Ces trois médias indépendants, qui font partie des rares journaux à faire un vrai travail d'enquête ont tous été espionnés et/ou cambriolés.
Des disques durs contenant des informations sur l'héritière de l'Oréal ont été volés au moment où tous enquêtaient sur l'affaire Woerth/Bettencourt. Trop de coïncidences ?
Beaucoup plus classe, il est désormais à la mode de porter plainte contre tout journaliste qui empiétrait trop sur vos plate-bandes. Rien de plus simple quand on travaille à l'Elysée et qu'on a du budget com' à dépenser. Les procès pour "diffamation" pleuvent. Le budget de frais de justice de l'Elysée contre le budget de petites rédactions. Pot de fer contre pot de terre.
Les pressions pour identifier les sources des journalistes sont aussi citées dans le rapport sur "Les ennemis d'Internet" de Reporters sans Frontières.
Aucun gouvernement ne pourrait se permettre de menacer directement les journalistes, le message est pourtant là : mieux vaut éviter de fouiller trop loin. Impossible d'accuser directement un gouvernement qui joue finement, mais le message de Reporters Sans Frontières est clair : on se rend bien compte que quelque chose ne tourne pas rond par ici.
WikiLeaks
LE sujet chaud de l'année. Enfin, le temps qu'on l'oublie. Vous avez peut être raté l'arrivée de WikiLeaks en France (sur les serveurs d'OVH) et la grande classe d'Eric Besson, dans la continuité du grand courant démocratique du moment, qui a simplement demandé l'arrêt de l'hébergement de WikiLeaks... En oubliant juste que c'était à la justice de décider de ce genre de chose.
Contrairement à Amazon (qui a stoppé directement l'hébergement de WikiLeaks sur simple demande d'un homme politique américain), OVH ne s'est pas laissé faire, a simplement saisi la justice en référé. Même si OVH a eu la force de résister, qui peut vraiment résister face à un ministre ?
Le gouvernement a dépassé la ligne, une fois de plus, en voulant se passer de toute justice et prendre lui-même ses décisions.
Hadopi
L'accès à Internet est un droit fondamental et estime que le recours à la suspension de la connexion constitue une violation de la liberté d'accès à l'information.
RSF ré-affirme le danger que constitue la loi Hadopi et fait ressortir deux points très intéressants sur sa mise en place :
RSF dénonce la magouille légale qui autorise la mise en place de la loi Hadopi : le conseil constitutionnel avait refusé une partie du dispositif annonçant que "seul un juge peut restreindre l'accès à Internet". Mais rien n'arrête l'UMP qui invente alors la... "procédure simplifiée de saisie du juge". Le juge rend son verdict sans débat contradictoire, sur examen du dossier, et sans motiver sa décision. Pratique, non ?
Gros problème n°2 : La loi prévoit que la Hadopi peut accorder des subventions à des groupes privés pour l'aider dans sa mission "d'observation de l'utilisation licite et illicite des oeuvres". En clair : charger les entreprises privées de surveiller le net. Et quand la police privée du net peut aussi être liée aux groupes de l'entertainment et quand ces mêmes personnes ont accès au levier pour couper les connexions internet sans jugement, il y a de quoi s'inquiéter. Dans un communiqué, RSF souligne "le risque de parti pris dans un domaine touchant aux libertés fondamentales".
Loppsi 2
L'article 4 de la loi institutionnalise un filtrage administratif du Web, sans décision de justice. L'article 2 risque de criminaliser l'utilisation de pseudonymes sur Internet, et l'article 23 permet l'organisation de cyberperquistions.
Les trois dangers sont clairs et c'est notamment le "filtrage administratif du Web" qui a poussé RSF à placer la France sous surveillance.
L'organisation s'inquiète du "caractère arbitraire et opaque de la procédure choisie" pour le filtrage des sites web, qui "exclut tout contrôle par un juge indépendant".
Une fois passé le “cap psychologique”, le filtrage ne risque-t-il pas d'être étendu à d'autres délits tels que la contrefaçon, la diffamation, l'offense au chef de l'Etat, etc.
Donner la possibilité technique au gouvernement de bloquer n'importe quel site est une menace des plus importantes pour les libertés. Il y a comme une odeur de green-wall dans l'air, vous savez, ce "filtre géant" chinois qui officiellement "protège les internautes contre le contenu choquant" et qui est en fait un magnifique outil de censure...
Conclusion
Le gouvernement français semble privilégier une approche avant tout sécuritaire et liée à la protection des droits d'auteur, et au détriment de la liberté d'expression et de l'accès à l'information.
Reporters Sans Frontières, le contre-G8, la Quadrature du Net, un rapport de l'ONU... La France est dans une position plus que délicate. Malgré une prise de conscience globale, la question est : qui stoppera notre gouvernement ?
Sources :
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